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Prise en charge du patient déprimé en Médecine Générale

Professeur Pierre-Louis DRUAIS, Président du Collège de la Médecine Générale.

 « La dépression est une pathologie fréquente, dans laquelle le médecin généraliste est le premier recours, point d’entrée dans le système de soin »

Premier recours… être présent pour le patient quel que soit le motif qui l’amène à consulter.  Premier recours et souvent seul recours du patient qui identifie la médecine à son médecin de famille, celui qui le connaît depuis si longtemps, qui connaît les parents, les amis, les voisins. Une relation forte, une relation construite au fil du temps, le très long temps de la médecine générale. Une relation mise à l’épreuve sur des années par une multiplicité de situations de soins, d’écoute, d’aide, d’accompagnement.

Mais quels sont ses outils, où et comment les a-t-il acquis ?

Les traitements psychotropes

Lorsqu’il le juge nécessaire, il utilise classiquement les antidépresseurs à sa disposition, et l’arrivée des IRS a nettement amélioré sa prise en charge des patients dépressifs, par la souplesse d’utilisation et les moindres effets secondaires de ces produits comparativement aux tricycliques. Face à des dépressions résistantes ou récurrentes, si l’augmentation des doses de l’antidépresseur ou le changement de molécule n’ont pas été efficaces, le médecin généraliste confie volontiers le patient au psychiatre.

Les prises en charge psychothérapeutiques

Lorsque nous parlons de psychothérapie, nous parlons de l’ « ensemble des moyens psychologiques qui peuvent être mis en œuvre dans un but thérapeutique ».

  • Les psychothérapies structurées

Le travail sur le terrain confirme chaque jour que de nombreuses dépressions modérées sont accessibles à une prise en charge psychothérapeutique. D’autant que de nombreux patients sont réticents à la prise de psychotropes. Dans ce contexte les médecins généralistes adressent leurs patients nécessitant une psychothérapie structurée à des correspondants, psychothérapeutes non médecins ou psychiatres.

La place du médecin généraliste dans la prise en charge du patient dépressif

Par rapport aux autres spécialistes, le médecin généraliste a  une position privilégiée :

- Le plus souvent, il connaît déjà le patient, son vécu, son environnement, ses conflits éventuels personnels ou professionnels. Cela lui permet de voir les choses de façon plus globale,  de percevoir aussi les choses que le patient ne dit pas, mais qu’une écoute attentive au fil des consultations lui aura fait comprendre. Si le médecin ne connaît pas le patient, c’est le début d’une longue histoire. Le médecin est dans la position de soigner non pas une dépression mais un patient qui souffre de dépression.

Le médecin généraliste communique « naturellement » avec son patient en utilisant les outils  habituels de la communication, qu’il va adapter à sa fonction. L’écoute est la première étape du dialogue qui va permettre au patient et au médecin de communiquer. « Ecouter quelqu’un, c’est écouter le silence » L’histoire partagée du patient avec son médecin intervient dans la consultation. Cela va permettre aussi au patient de percevoir une «  attitude facilitatrice, impliquée et compréhensive ».

Le médecin généraliste, un psychothérapeute?

 A l’issue de la première rencontre, une sorte de contrat s’établit donc entre le patient et son médecin. Le médecin généraliste a une fonction spécifique, il est dans une position privilégiée, et possède des outils propres à sa fonction. Il est donc en mesure de développer une thérapeutique adaptée, souvent appelée « psychothérapie de soutien du médecin généraliste ».

Une revue de la littérature faite en 2000 en Angleterre a recherché le noyau commun de toutes les psychothérapies, pour ensuite dégager les éléments utilisables dans les contraintes de temps des médecins généralistes. Ces éléments seraient :

  • l’établissement d’une relation thérapeutique positive basée sur une écoute active, une empathie authentique et un médecin concerné par la problématique ;

  • le développement d’une compréhension partagée de la problématique du patient

  • la promotion d’un changement comportemental, affectif ou émotionnel.

 

Comme le rappelle Balint, le médecin engagé dans une démarche de psychothérapie ne doit pas « jouer au psychiatre ». Mais il dispose d’un éventail très large de relations possibles, bien plus que dans toute autre branche médicale. « Dans le doute, ne vous hâtez pas, mais écoutez » (Balint).

  • Les techniques spécifiques en médecine générale

Ce qui est spécifique au médecin généraliste est lié à ses fonctions propres. Il peut utiliser ces techniques dans la continuité, aussi bien au cours du suivi de ses patients dans le temps que lors des différents temps de la consultation. Il les utilise dans le cadre de la prise en charge globale de ses patients, en tenant compte de la famille et du milieu socioprofessionnel. Directivité,  non-directivité, suggestion, reformulation, réassurance, restauration de la confiance en soi, suivi médical : au fur et à mesure des consultations, le médecin devient le dépositaire du mal être du patient et se retrouve investi du rôle de confident, de référent. Cette image est un réconfort ponctuellement lors d’un suivi d’une dépression, mais peut aussi rester une image récurrente, au fil des années, véritable point de repère pour le patient qui sait qu’il peut à tout moment retrouver un espace d’expression libre et d’écoute empathique.

Etat des lieux

Les données disponibles dans la littérature concernant l’accompagnement psychologique des patients déprimés en médecine générale sont relativement pauvres. Les médecins généralistes explicitent souvent peu leur pratique car les outils utilisés et la relation thérapeutique établie sont identiques à ceux rencontrés dans les autres champs de la médecine générale. C’est ce qui en fait la spécificité. Une étude récente, enquêtant sur les pratiques de prise en charge psychologique des patients dépressifs par les médecins généralistes, montre pourtant une nette homogénéité des pratiques, même s’ils n’ont pas forcément conscience des outils qu’ils utilisent. Ils effectuent au final une prise en charge adaptée, personnalisée et complète des patients déprimés, même s’ils n’ont pas les mots pour la décrire. L’absence de cette compétence d’explicitation, qui n’entrave en rien la qualité de la prise en charge, semble responsable de la dévalorisation, imposée ou ressentie, à laquelle ils doivent parfois faire face. Les anthropologues seuls observent, décrivent et légitiment l’efficacité des prises en charge traditionnelles, sans jugement, et sans demander au soignant de se justifier…mais ils ne sont pas assez lus par les médecins généralistes…

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